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Colloque 2012: relire l’apologie pascalienne

Colloque célébrant le 350e anniversaire de la mort de Pascal

3-5 octobre 2012, hôtel de Massa

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Société des gens de lettres

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Copie privée

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« Je n’entends pas que vous soumettiez votre créance à moi sans raison, et ne prétends point vous assujettir avec tyrannie. Je ne prétends point aussi vous rendre raison de toutes choses » (S. 182).

La mort de Pascal, le 19 août 1662, laisse définitivement inachevé le projet d’apologie auquel son auteur avait consacré ses dernières forces. Quelque huit cents fragments textuels témoignent depuis de ce qu’Étienne Périer désignait comme le « dessein qu’avait M. Pascal de travailler sur la religion ». Or, comme la prudence des éditeurs successifs le montre, les « Pensées » de Pascal ne recouvrent pas exactement son projet d’apologie. Cependant, les vingt-sept dossiers que Pascal avait dotés d’un titre vers juin 1658 développaient bien une intense méditation sur l’acte de croire après l’expérience de la nuit de feu relatée par le Mémorial de 1654. C’est pourquoi la Société des Amis de Port-Royal a choisi, pour célébrer le 350e anniversaire de la mort de Pascal, de consacrer son colloque d’automne 2012 à une relecture attentive de l’apologie pascalienne telle que les actuelles éditions « objectives » des Pensées nous permettent de la considérer et telle que nos connaissances actuelles nous permettent de la reconsidérer. Car si Pascal écrit dans un contexte offensif de réaffirmation du catholicisme et d’intransigeance doctrinale, il se distingue de la tradition apologétique autant par sa pratique que par ses ambitions d’apologiste de la religion chrétienne. Pour lutter contre l’indifférence religieuse, Pascal a choisi en effet des voies nouvelles. Refusant la pétition de principe qui consiste à poser la religion comme vraie avant de démontrer cette vérité, récusant la validité des preuves traditionnelles de l’existence de Dieu comme l’efficacité des arguments finalistes, Pascal procède à un renversement radical de perspective quant à la nature et au processus de l’acte de foi. L’originalité de l’entreprise fait sa grande force : fondée sur une anthropologie précédant toute théologie, l’apologie pascalienne déploie, en un puissant diptyque argumentatif, le spectacle du défaut et de la nécessité de la religion chrétienne. Cette puissance dialectique fascine les esprits ; elle ne dissimule pas aujourd’hui les difficultés que ses avancées font naître.

C’est en particulier au regard de l’état actuel de l’apologétique que les nœuds et les points d’achoppement du projet pascalien apparaissent le plus clairement. Ce sont aussi ces lieux où l’apologie apparaît falsifiable que le présent colloque entend explorer. Il sera ainsi possible de creuser les lignes de force et les lignes de faille de l’anthropologie pascalienne parmi lesquelles on pourra envisager la valeur explicative hypertrophiée conférée au péché originel, mystère qui rend la condition humaine « concevable » dans sa misère et sa grandeur, dans ses « contrariétés » ; l’extension très large de la valeur herméneutique du « divertissement » ; la conception du « moi » ; le rôle de l’habitude, de la « machine », dans l’accès à la foi. Il sera sans doute fructueux encore de reprendre l’examen des preuves de la religion chrétienne, rendue raisonnable et aimable au prix du dénigrement de la philosophie et d’une nécessaire abdication de la raison devant la Révélation ; de s’interroger dans ce cadre sur l’information dont Pascal témoigne sur l’histoire de la philosophie ainsi que sur la priorité qu’il donne à la volonté sur l’intelligence pour accéder à la foi. Dans ce cadre, on pourra encore mener une enquête sur le statut des païens et examiner les moyens et les fins de la disqualification, dans le projet d’apologie, des autres religions (le judaïsme mais aussi l’Islam). Il faudra alors questionner la conception pascalienne de l’histoire ainsi que le privilège donné par le théologien aux preuves historiques et incertaines (statut des témoignages et des Écritures en particulier et, en leur sein, des prophéties, mais aussi perpétuité de l’Église) sur les preuves rationnelles et vraies en matière de religion. Enfin, on pourra mettre en débat les points particuliers d’une théologie occupée en son centre par la figure du Christ médiateur, développée dans la vraisemblance où nous laisse le Dieu caché inaccessible aux sens comme à la raison et seulement sensible au cœur. Ce sera alors sans doute le moment d’interroger le rapport de Pascal à la fois à saint Augustin et aux positions adoptées par le Concile de Trente.

L’objet du colloque ne sera pas de passer les approximations historiques de l’apologie pascalienne au crible de la science actuelle, ni d’en corriger les erreurs factuelles, mais bien de dégager, en examinant ce par quoi elle nous convainc moins aujourd’hui, ce qui faisait d’elle une œuvre absolument singulière. Confronter l’apologie pascalienne à l’évolution de la réflexion théologique sur les fondements de l’adhésion au christianisme permettra de sonder sa fermeté et sa cohérence d’objet intellectuel avec les instruments de lecture dont nous disposons aujourd’hui. Éclairer à la fois la puissance et les faiblesses de l’argumentation et de l’information dont disposait Pascal, c’est en effet chercher comment lire aujourd’hui les arguments du projet d’apologie pascalienne : leur donner un sens à leurs points d’achoppement mêmes. En cernant la fragilité philosophique de certains raisonnements, la faiblesse théologique de certains arguments, et les limites historiques de certaines affirmations, on cherchera à mieux percevoir encore l’originalité et la force du projet d’apologie pascalienne. L’on pourra ainsi espérer contribuer à « ôter les obstacles » (S. 45) qui pourraient réduire l’accès aux Pensées trois cent cinquante ans après leur mise au jour.

Organisé en partenariat avec la Société des Gens de Lettres, le colloque se tiendra à Paris, hôtel de Massa, du 3 au 5 octobre 2012

Introduction par Amélie de Chaisemartin et Delphine Reguig

1. La question de l’Apologie

 Jean Mesnard : « Pascal témoin moderne du christianisme »

 Vincent Carraud : « Les Pensées appartiennent-elles à l’histoire de l’apologétique ? »

 Hubert Aupetit : « Pour en finir avec l’apologie ? »

 Laurent Thirouin : « Le pari, au départ de l’Apologie »

2. L’écriture des Pensées

 Laurence Plazenet : « Raison des images »

 Hall Bjornstad : « Relire ce qu’on n’a jamais lu. Remarques sur la dignité du Roseau pensant »

 Laurent Susini : « Fondements de la rétorsion dans les Pensées de Pascal »

3. L’anthropologie des Pensées

 Nawalle El Yadari : « l’Apologie et l’obstacle de la subjectivité »

 Hélène Bah-Ostrowiecki : « La machine, la chair et le tout : l’élaboration du sujet comme extériorité dans l’Apologie pascalienne »

 Sylvia Giocanti : « La quiétude comme expérience impossible ».
4. Morale et apologétique dans les Pensées

 Maria Vita Romeo : « Relire l’Apologie selon la philosophie morale »

 Alberto Frigo : « Morale chrétienne et apologétique »

5. Les Pensées et la connaissance

 Dominique Descotes : « Les Pensées et les nombres »

 Tamas Pavlovits : « Pascal et la perspective (le perspectivisme dans les Pensées )»

 Pierre Gibert : « La relation entre exégèse et apologétique dans les Pensées »

 Tetsuya Shiokawa : « Le statut du péché originel dans l’Apologie pascalienne : de l’anthropologie aux preuves
historiques de la religion »

6. Dialogue avec les philosophes

 Hélène Bouchilloux : « Science et athéisme : les enjeux philosophiques de l’apologétique pascalienne »

 Hélène Michon : « ‘‘Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non des philosophes et ses savants ’’ : la distinction pascalienne à l’épreuve du temps »

 Delphine Kolesnik : « La réception malebranchiste de l’anthropologie pascalienne »

7. Conclusions : Tony Gheeraert

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