Où l’on découvre d’étranges similitudes entre Port-Royal et Poudlard….
Dans sa BD ‘Comédie française’, Mathieu Sapin explore les rapports entre l’Art et le pouvoir à travers sa propre trajectoire auprès du président Macron et l’itinéraire de Racine auprès de Louis XIV. … See MoreSee Less
Le 21 janvier 1628, Mme de Pontcarré, bienfaitrice du monastère, posa la première pierre du bâtiment de Port-Royal de Paris.
La fréquentation de Sébastien Zamet, évêque de Langres, fit toutefois évoluer ses aspirations vers un goût de l’ostentation et du luxe dans ses dévotions qui la conduisit à quitter le monastère :
"Ce n’était plus cette dame qui ne voulait qu’une petite chambre. Vastement logée, une galerie, un oratoire et un tour particulier faisaient un supplément à sa vanité et sa terrasse ornée d’orangers, une fatigue aux religieuses qui étaient obligées d’y monter tous les jours dix ou vingt seaux d’eau pour arroser. La nourriture et le reste se suivaient, quoique la maison fût alors très incommodée et encore ne pouvait-on satisfaire à tout ce qu’elle exigeait avec le ton le plus impérieux."
(Mémoires historiques et chronologiques de Port-Royal, Utrecht, 1759, t. 2, p. 341).
Le monastère proposa à Mme de Pontcarré de lui verser une rente pour les 8000 écus qu’elle avait donnés à Port-Royal et la bienfaitrice quitta le monastère en 1639.
Portrait d’une princesse cueillant des fleurs à un oranger, par Pierre Gobert, XVIIe siècle, détail. … See MoreSee Less
Dans ses ‘Mémoires touchant la vie de Saint-Cyran’, Claude Lancelot évoque le jour où il quitta la communauté de Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour rejoindre les premiers solitaires, MM. Le Maistre et Le Maistre de Séricourt :
« Ayant pris congé d’eux le 20 janvier 1638, j’arrivai à Port-Royal sur les cinq heures du soir. On y avait déjà commencé la fête de sainte Agnès, dont nous dîmes matines la nuit, et à cause de cela, je l’ai prise aussi pour ma patronne. Il n’y avait alors que M. Singlin et M. Gaudon. M. Le Maistre et M. de Séricourt étaient dans un autre logis, vivant séparément chacun dans leur chambre comme des chartreux, et nous ne les voyions que la nuit, nous assemblant tous dans celle de M. Singlin pour dire matines.
Ce n’était que joie parmi nous et nos cœurs en étaient si remplis qu’elle paraissait même sur notre visage. Sur quoi il faut que je raconte une particularité qui me regarde. L’abondance des grâces dont il plaisait à Dieu de me combler et la paix dont il me remplissait étaient si grandes, que je ne pouvais presque m’empêcher de rire en toutes rencontres. Je ne savais à quoi attribuer ce changement, outre que ce n’avait pas été mon plus grand défaut auparavant. Je m’accusais moi-même de légèreté et m’en confessais souvent. Mais M. de Saint-Cyran qui était fort éclairé, reconnut bien qu’il y avait quelque autre source de cette effusion et il me dit qu’il ne fallait pas s’en étonner et quelquefois l’âme considérant le chemin qu’elle avait fait, d’où elle venait, où elle était et tout ce qui s’était passé en elle, se sentait tellement transportée qu’elle ne pouvait se retenir et qu’il ne fallait pas que je m’en misse trop en peine. »
(Mémoires touchant la vie de M. de Saint-Cyran, Cologne, 1738, t. 1, p. 35-36.)
Allégorie du goût, atelier de Hendrick ter Brugghen, vers 1630, détail. … See MoreSee Less
L’éloge de la solitude et de la retraite sous la plume d’un jésuite :
« Philagie, puisque vous voici en solitude dans le petit désert de votre chambre, vous me voulez bien permettre de vous dire un mot à la louange de la vie des solitaires. Ce sera autant de gagné sur votre esprit pour vous faire reconnaître le bonheur de votre retraite.
Philagie, ne vous prend-il pas envie de dire cent fois : vive le désert, vive la solitude ! Si n’est-ce pas ce que je prétends de vous, ce n’est plus le temps d’aller au désert, il ne se parle plus de ces solitudes. Je veux vous rendre amoureuse d’une plus facile et d’une plus aisée solitude, savoir est celle de votre chambre, de votre cabinet et de l’endroit de votre maison où vous pouvez être parfois à l’écart. Si vous êtes dans le monde, aimez votre cabinet une ou deux fois le jour, au lieu de tant de curiosité de vous tenir à la porte ou à la fenêtre pour voir ce qui se fait à la rue ou aux jardins. Retirez-vous en votre cabinet pour y prier, pour penser à Dieu et à vous, pour lire quelque livre de dévotion, pour y faire le petit ermite à dessein de devenir un grand saint et pour jouir du bonheur des solitaires au moins une heure par jour.
Que croyez-vous que c’est que votre chambre ? C’est un petit ermitage au milieu d’une ville, dont vous êtes le reclus. C’est le cabinet du divin amour. C’est là où vous racontez à Dieu vos menus déplaisirs, vos aimables désirs et vos petites et chastes amours. Au dire de saint Bernard, c’est un petit ciel pour vous. C’est un petit temple, une petite chapelle. La chambre, c’est le jardin des délices et le parterre d’une belle âme.
La chambre, c’est le comptoir de l’âme, c’est là où elle prend garde à son ménage spirituel, où elle fait ses comptes, considère ce qu’elle a et ce qui lui manque et où elle délibère de mettre un bon ordre à ses imperfections, à ses vices, à ses passions et à tout.
La chambre, c’est la place d’armes et le lieu d’assurance contre les ennemis. Nous avons trois puissants ennemis, disait saint Antoine, les yeux, les oreilles et la langue. Quand je garde ma cellule, je ne vois personne, je n’écoute rien et le silence y est grand, de sorte que me voilà en paix. »
(Paul du Barry, La solitude de Philagie, ou l’adresse pour s’occuper avec profit aux exercices spirituels, Lyon, 1658, p. 18-22.)
Femme dans un intérieur, par Emmanuel de Witte, XVIIe siècle. … See MoreSee Less