En février 1697, le Père Quesnel, ami de Jean Racine et proche des Solitaires de Port-Royal, écrit à son ami M. Villard au sujet de l’entrée au Carmel d’une des filles de Racine, qui en était très affecté :
« La nature s’afflige et la foi se réjouit dans le même cœur. Mais je m’assure que la foi l’emportera bientôt et que sa joie, se répandant sur la nature, en noiera tous les sentiments humains. Il est impossible qu’une telle séparation n’ait fait d’abord une grande plaie dans un cœur paternel, mais le remède est dans la plaie et cette affliction est la source de consolations infinies pour l’avenir et dès à présent.
Je ne doute point qu’il ne conçoive combien il a d’obligation à la bonté de Dieu d’avoir daigné choisir dans son petit troupeau une victime qui lui sera consacrée et immolée toute sa vie en un holocauste d’amour et d’adoration, et de l’avoir cachée dans le secret de sa face pour y mettre à couvert de la corruption du siècle toutes les bonnes qualités qui ne lui ont été données que pour Dieu.
Au bout du compte, il s’en doit prendre un peu à lui-même. La bonne éducation qu’il lui a donnée et les sentiments de religion qu’il lui a inspirés l’ont conduite à l’autel du sacrifice. Il n’y a donc qu’à louer et à bénir Dieu et à profiter de cet exemple de détachement des choses du monde que Dieu nous met à tous devant les yeux dans cette généreuse retraite. »
Autoportrait de Louise-Hollandine de Palatinat, XVIIe siècle. … See MoreSee Less
En février 1642, depuis sa prison de Vincennes, l’abbé de Saint-Cyran envoie au prêtre Antoine Singlin une méditation sur la vraie richesse et la vraie pauvreté, à l’intention d’une dirigée qui possédait de grands biens :
« Il y a une prédiction effroyable dans l’Evangile qui doit faire trembler les riches. Je me sens obligé à supplier très humblement cette personne de prendre un soin très particulier de son âme, en suivant fidèlement les conseils qu’on lui donne. Car si elle a autant de confiance en Dieu que les riches en ont en leurs richesses, elle ne sera pas comprise dans les menaces que l’Ecriture fait contre eux, parce qu’elle ne sera plus de ce nombre, puisque l’Evangile juge les hommes pauvres ou riches selon leur affection pour les biens.
D’où il s’ensuit que comme la plupart des pauvres sont riches, et mauvais riches devant Dieu, à cause de l’affection qu’ils ont aux richesses, il y a aussi des riches qui sont pauvres, et pauvres avec grand mérite devant lui, à cause qu’ils ne possèdent rien que comme dépositaires et dispensateurs des trésors de Dieu, qui seul possède leur cœur comme étant leur trésor unique. Qu’elle tâche seulement de conserver l’étincelle. »
‘L’avarice’, Matthias Stomer, XVIIe siècle. … See MoreSee Less
Des lectures des pensionnaires à Port-Royal :
« Les livres dont on se sert pour l’instruction des enfants sont : l’Imitation de Jésus-Christ, Grenade, la Philothée [Introduction à la vie dévote de François de Sales], S. Jean Climaque, la Tradition de l’Eglise [d’Antoine Arnauld], les Lettres de M. de S. Cyran, la Théologie et les Maximes chrétiennes [de M. de S. Cyran], les Méditations de sainte Thérèse et autres livres qui ont pour but de former une vie vraiment chrétienne.
On doit avoir pour but de les accoutumer à ne point entendre les lectures dans un esprit de divertissement ni de curiosité, mais avec désir de se les appliquer, et il faut pour cela que la manière de les leur faire comprendre aille bien plus à les rendre bonnes chrétiennes et à les porter à se corriger de leurs défauts qu’à les rendre savantes.
Aussitôt que la lecture est finie, on reprend le livre car nous ne laissons point d’autre livre dans le particulier que leurs heures, la Théologie familière, les Evangiles, une Imitation de Jésus-Christ et un psautier latin et français. Tous les autres livres sont entre les mains de leur maîtresse car les lectures les plus saintes ne leur servent de rien quand elles se font par curiosité. »
(Les Constitutions de Port-Royal du Saint-Sacrement, Règlement pour les enfants, 1665, p. 521-523). … See MoreSee Less
« Quelque élevée qu’une âme soit dans la connaissance des mystères et dans la contemplation des plus hautes vérités, quelques mérites qu’elle ait acquis par des travaux extraordinaires, elle ne se doit point croire à couvert des dangers et des tentations où les petits sont exposés, comme sont celles où on résiste par la mortification du corps.
Ce sont, à la vérité, des tentations de commençants mais la perfection chrétienne consiste à croire qu’on est toujours du nombre de ceux qui commencent. »
Pierre Nicole, ‘Continuation des Essais de morale’, Paris, 1700, p. 467-468.
´Deux femmes apprenant à marcher à un enfant’, Fabritiys Carel, vers 1650. … See MoreSee Less