Le 8 mars…
1656
Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, écrit à la supérieure des Ursulines de Rouen :
« Je prends part au désordre de votre temporel, sachant par ma propre expérience les cuisants soucis que cause à une supérieure la grande nécessité, surtout quand il y a des créanciers à contenter et à empêcher qu’il n’arrive scandale. Je sais combien d’années j’ai passées dans les angoisses et ma plus grande était la faute que j’avais faite, comme j’apprends, ma chère mère, que vous l’avez faite aussi, qui est d’avoir emprunté pour bâtir et, si Dieu ne m’eût fait la miséricorde de rencontrer feu M. de Saint-Cyran, je ne sais comment j’eusse pu supporter tant d’amertumes. Je vous dirai ce qu’il me dit, ma chère mère, qui est que je devais chercher le remède à mes afflictions dans la pénitence de la faute que j’avais faite dans les emprunts, que quand j’aurais satisfait à Dieu il me ferait la grâce de satisfaire aux hommes, pourvu que je ne cherchasse point de moyens humains, que je ne reçusse rien que de Dieu et ne demandasse rien qu’à lui, que je cherchasse son Royaume et sa justice. Nous avons essayé de suivre les avis de ce vrai serviteur de Dieu, quoique bien imparfaitement, et nous avons expérimenté les grâces que Dieu nous a faites par lui. » … See MoreSee Less
Le 7 mars 1652, Jacqueline Pascal écrit une très longue lettre à son frère Blaise pour lui demander de ne pas s’opposer à son entrée au noviciat à Port-Royal. Leur père, qui s’y opposait, était mort deux mois plus tôt et la jeune fille était déterminée à s’engager :
« Ce doit être ma gloire et votre joie, et de tous mes amis, d’avoir ce témoignage de la force de la grâce de mon Dieu, que ce n’est point le monde qui me quitte mais moi qui l’abandonne ; et qu’encore que l’effort qu’il fait pour me retenir semble une punition toute visible de la complaisance que j’ai eue autrefois pour lui, il plaise à Dieu de me donner la force d’y résister et que tous ses efforts ne servent qu’à faire éclater la victoire qu’il a daigné remporter dans mon cœur sur tous les charmes et les promesses du monde, qui sont si vaines et si bornées qu’il ne faut qu’un peu de raison éclairée de la foi et soutenue par la grâce pour faire quitter avec joie par avance ce qu’il faudra quitter par nécessité dans quelques moments.
Ne vous opposez point à cette lumière divine, n’empêchez pas ceux qui font bien et faites bien vous-même ou, si vous n’avez pas la force de me suivre, au moins ne me retenez pas. Ne vous rendez pas ingrat envers Dieu de la grâce qu’il fait à une personne que vous aimez : plus elle doit vous être chère, plus les faveurs qu’elle reçoit vous doivent être sensibles. » … See MoreSee Less
Le 4 mars 1698, Jean Racine écrit à Mme de Maintenon pour plaider sa cause contre les accusations de «jansénisme» qu’on portait contre lui :
« J’apprends qu’on m’a fait passer pour janséniste dans l’esprit du roi. Je vous avoue que, lorsque je faisais tant chanter dans ‘Esther’ : « Rois chassez la calomnie », je ne m’attendais guère que je serais moi-même un jour attaqué par la calomnie. Je sais que dans l’idée du roi, un janséniste est tout ensemble un homme de cabale et un homme rebelle à l’Eglise.
Je sais ce qui a pu donner lieu à une accusation si injuste. J’ai une tante qui est supérieure de Port-Royal et à laquelle je crois avoir des obligations infinies. C’est elle qui m’apprit à connaître Dieu dès mon enfance et c’est elle aussi dont Dieu s’est servi pour me tirer de l’égarement et des misères où j’ai été engagé pendant quinze années. J’appris, il y a près de deux ans, qu’on l’avait accusée de désobéissance, comme si elle avait reçu des religieuses contre la défense qu’on a faite d’en recevoir dans cette maison. J’appris même qu’on parlait d’ôter à ces pauvres filles le peu qu’elles ont de bien pour subvenir aux folles dépenses de l’abbesse de Port-Royal de Paris. Pouvais-je, sans être le dernier des hommes, lui refuser mes petits secours dans cette nécessité ?
Tous les religieux qui leur ont rendu visite sont revenus en disant, les uns, qu’ils avaient vu des religieuses qui vivaient comme des anges ; les autres, qu’ils venaient de voir le sanctuaire de la religion. M. l’archevêque n’a pas caché qu’il n’avait point de filles dans son diocèse plus régulières ni plus soumises à son autorité. Voilà tout mon jansénisme. »
Lettre autographe de Jean Racine. … See MoreSee Less