Sylvae sacrae : la forêt des Solitaires (Port-Royal des Champs, du 7 avril au 4 juillet 2022)

A travers un choix d’une cinquantaine de dessins et gravures, provenant des collections de l’Albertina de Vienne, de la collection Frits Lugt conservée à la Fondation Custodia (Paris), ou du département des Arts graphiques du Louvre, l’exposition Sylvae Sacrae – La forêt des Solitaires propose au visiteur un voyage à travers les déserts rêvés du XVIIe siècle : sombres forêts, lieu de ressourcement intérieur, ou jardin de Paradis.

Depuis plus d’un siècle, les artistes représentaient les déserts d’Égypte, de Syrie et de Palestine dans lesquels les premiers ermites de l’histoire de l’Église s’étaient retirés au IVe siècle. Ce thème des Pères des déserts avait été mis à la mode dès le début du XVIIe siècle et avait été l’objet d’une importante production d’images, à la fin du XVIe siècle en Italie du nord autour de Girolamo Muziano puis, les années suivantes, par Maarten de Vos à Anvers et Abraham Bloemaert à Amsterdam, qui réalisèrent chacun plus de deux cents dessins sur ce thème. Ces nombreuses représentations furent gravées par les frères Sadeler à Munich et à Venise et presque immédiatement copiés par les graveurs flamands installés à Paris.

Cette culture visuel nourrit en profondeur l’imaginaire des Solitaires de Port-Royal: lecteurs fervents des Vies des Père des déserts, traduits entre 1646 et 1651 par Robert Arnauld d’Andilly, ils pouvaient imaginer retrouver dans la forêt de Port-Royal l’image des pieuses thébaïdes d’autrefois.

La grande édition illustrée des Vies des Pères des déserts, à laquelle les Messieurs songèrent, ne vit jamais le jour, sans doute en raison de la dispersion de la communauté des Solitaires en 1656. L’exposition préparée par Philippe Luez nous permet de réparer en quelque manière cet échec éditorial. Elle nous aide aussi à reconstituer les paysages imaginaires des Solitaires, qui aimaient à se rêver en ermite des premiers temps.

 

L’exposition

Depuis 2018, le Musée National de Port-Royal des Champs présente une exposition de dessin en collaboration avec le Salon International du Dessin de Paris.
A retrouver au Musée de Port-Royal des Champs à Magny-Les-Hameaux. Horaires, informations pratiques, etc.:  https://www.port-royal-des-champs.eu/

Commissaire de l’exposition : Philippe Luez, Conservateur général du Patrimoine
Musee.port-royal@culture.gouv.fr 
Tél.: +33 1.39.30.72.72

 

Le catalogue

Le projet proposé ce printemps 2022, examine les sources de la représentation des ermites en Europe à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle à travers les suites dessinées de gravées de Girolamo Muziano, Maarten de Vos et Abraham Bloemaert.

Philippe Luez et Diane Vielle, Sylvae Sacrae – La Forêt des Solitaires (Le Dessin à Port-Royal, vol. 3), Gand, Snoeck, 2022, 176 p.
ISBN : 9789461617194
Prix de vente : 25 €

 

Extrait du catalogue

Maarten de Vos (1532-1603), Saint Or, 1586, plume et encre brune, 15,3 × 21,1 cm, coll. part.

« La planche consacrée à saint Or est la vingtième du recueil Solitudo sive vitae patrum eremicolarum, publié vers 1586 à Francfort par les frères Sadeler.
Saint Or était un ermite, retiré dans la Thébaïde dès sa jeunesse ; il meurt vers 390 à plus de quatre-vingt-dix ans. Les Vitae sanctorum affirment qu’il lui fut accordé la faculté de lire les Écritures saintes, sans aucun apprentissage de la lecture auparavant. Dans le désert, peut-on lire, « il subsistait d’herbes et de racines, ce qu’il trouvait tout à fait acceptable. Il buvait de l’eau quand il pouvait en trouver et s’occupait jour et nuit de prières et d’hymnes de louange ».
Maarten de Vos représente le saint en prière, à genoux devant un livre ouvert, sous la pluie. Un crucifix rudimentaire est posé sur le sol. Il se tient à la porte d’une petite hutte faisant fonction de chapelle, dans laquelle on aperçoit une Vierge à l’Enfant peinte sur un petit panneau cintré. Pour cette figure peu connue du désert, le dessinateur propose une représentation relativement interchangeable : habit monastique et chapelet à la ceinture, sans attributs particuliers. À côté du crucifix sont représentés les légumes [« racines »] dont l’ermite se nourrit, symbole récurrent chez De Vos du désert fécondé par le travail des solitaires. Mais cette figure est peut-être l’une des plus élégantes de la série. Le dessin est délié, la lumière, concentrée sur la figure du Solitaire, donne tout à la fois à la scène un caractère de mystère et de sérénité.
Le dessin préparatoire à cette gravure est aujourd’hui conservé dans une collection particulière belge. Il porte sur le tonnelet la mention « M. de Vos f/1586 », remplacée, sur la gravure, par l’excudit de Jan Sadeler. La feuille est incisée et passée à la sanguine au revers, marque qu’elle a bien été utilisée pour la gravure. » (Philippe Luez)