La grille

L’abbaye du faubourg Saint-Jacques

Port-Royal de Paris
123, Bd de Port-Royal, 75014 Paris

« A l’ombre de ce cloître et de cette Église… »

C’est le 29 mai 1625 qu’une abbesse déjà célèbre et surnommée « la sainte Thérèse de Cîteaux », Angélique Arnauld, fonde, à l’extrémité du faubourg Saint-Jacques, le monastère de Port-Royal de Paris. Dès 1637 viennent s’établir à ses abords les premiers « Solitaires ». L’église, bâtie de 1646 à 1648 par Le Pautre, abrite bientôt une centaine de religieuses. Celles-ci, pour symboliser le pain et le vin du mystère eucharistique, adopte en 1647 le scapulaire blanc à croix écarlate, immortalisé par les tableaux de Philippe de Champaigne.

Le « groupe » spirituel et culturel le plus prestigieux qu’ait connu la culture française, le groupe de Port-Royal, est né à l’ombre de ce cloître et de cette église: ce sont des religieuses, Angélique et Agnès Arnauld, Jacqueline Pascal, Catherine de Champaigne, qui ont fait graviter autour de ce cloître et prier dans cette église Antoine Arnauld, le plus illustre théologien du siècle, interlocuteur de Descartes, Malebranche et Leibniz; Le Maistre de Sacy, poète et auteur de la plus belle traduction française de la Bible; Blaise Pascal, Jean Racine, Philippe et Jean-Baptiste de Champaigne; l’une des bienfaitrices, la marquise de Sablé, avait installé son hôtel au premier étage, au-dessus de la salle du chapitre: son salon accueillait Pascal et La Rochefoucauld, qui commença chez elle à élaborer ses Maximes. L’éclat exceptionnel de ces personnalités apparaît pleinement dans le monument de la critique littéraire du XIXe siècle, le Port-Royal de de Sainte-Beuve.

Port-Royal était devenu dès les années 1640 l’un des foyers européens de la théologie issue de saint Augustin. Du fait des controverses auxquelles cette théologie donnait lieu depuis un siècle, le monastère vécut des heures dramatiques. C’est dans ces murs qu’il faut imaginer le coup de force de l’archevêque de Paris, venu le 26 août 1664 avec deux cents archers pour déporter douze religieuses, scène d’où Montherlant a tiré son Port-Royal (1954).

Un an plus tard, l’élite des moniales était emprisonnée à Port-Royal des Champs, l’abbaye proche de Paris qu’Angélique Arnauld avait réformée à l’âge de 17 ans et que Louis XIV fera raser en 1710. Le monastère de Paris vécut alors une vie effacée, jusqu’au moment où la Révolution chassa les religieuses. Devenu un moment prison, les bâtiments trouvèrent rapidement leur affectation actuelle de Maternité. Le cloître est intact. Avec l’église, le chœur des religieuses, la salle du chapitre et les façades, il a été classé monument historique en 1931.

Il est des lieux où souffle l’esprit.

Source : Philippe Sellier, « Un lieu de mémoire », Chroniques de Port-Royal, 1991, numéro spécial consacré à Port-Royal de Paris.)

Dans l’enceinte de l’hôpital Cochin subsistent la chapelle, le chœur des religieuses, la salle capitulaire, le cloître. Une messe est célébrée chaque dimanche à 10h30 dans la chapelle, de septembre à la Pentecôte.