Colloque 2011 : Ruine et survie de Port-Royal (1679-1713)

Problématique

L’histoire de Port-Royal s’est construite autour d’un certain nombre d’images et d’événements. Parmi eux, la destruction de l’abbaye, accompagnée des images d’horreurs de l’excavation des corps du cimetière fait figure de point nodal. L’épisode a puissamment contribué à la fondation d’une mémoire de l’abbaye qui se diffuse au cours des deux siècles suivants ; il est en même temps considéré comme l’aboutissement logique d’un processus commencé au lendemain de la rupture de la Paix de l’Église et menant inéluctablement, au terme d’un parcours de trois décennies, vers la destruction annoncée. C’est à cette période (1679-1713) que la Société des amis de Port-Royal consacre son colloque annuel pour l’année 2011, à travers quatre axes qui cherchent à étudier conjointement les éléments menant à la destruction de Port-Royal et ceux qui préfigurent la constitution d’une mémoire et d’une survie de l’abbaye comme lieu de mémoire.

Le premier consiste à interroger la linéarité du phénomène à travers la chaîne des événements qui mènent à la destruction. La signification politique et religieuse de son point de départ – la rupture de la Paix de l’Église (1679) – gagnerait à être éclairée, dans la mesure où elle constitue une remise en cause complète de la politique menée jusque-là. L’univocité prétendue d’un certain nombre d’événements qui se succèdent jusqu’en 1709 (Bulle Vineam Domini Sabaoth ; cas de conscience ; etc.) pourrait être nuancée : Port-Royal possède encore des protecteurs et certaines décisions du pouvoir royal vont dans le sens d’un apaisement.

La volonté de destruction spirituelle de l’« hérésie janséniste » s’incarne de manière très ambiguë dans celle – matérielle – de l’abbaye de Port-Royal des Champs. Elle voit son mobilier dispersé, créant autant de « mémoriaux » de l’abbaye martyre tandis que le site lui-même devient, du temps même de son agonie, un lieu de mémoire. Les acteurs de ce double mouvement doivent donc être mieux connus : d’une part le pouvoir royal et ses représentants (d’Argenson…), l’Église de France (les archevêques de Paris, les jésuites, les sulpiciens…) et Rome, d’autre part des personnalités plus ou moins liées à l’abbaye qui lui permettent de survivre, au moins dans les esprits.

Il conviendra aussi de s’intéresser à l’évolution des querelles théologiques et doctrinales, la querelle de la grâce évidemment, mais aussi les disputes autour de l’épiscopalisme, de l’antiromanisme, du laxisme et du rigorisme, pour voir comment l’antijansénisme accompagne le mouvement menant à la destruction de Port-Royal, comment il s’en nourrit, comment il se solidifie et provoque, en retour, une réaction des théologiens jansénistes. Bref, comment la destruction de Port-Royal se double d’une volonté d’anéantissement doctrinal qui a manifestement échoué à la veille de la publication de l’Vnigenitus (1713) et que les jansénistes ont contrariée par une quête d’orthodoxie qui les a conduits à s’introduire notamment dans la polémique antiprotestante.

L’importance de ces épisodes dans la mémoire de Port-Royal oblige à s’interroger sur la représentation et la portée de ces événements dans la société de l’époque. Chacune des marches vers la destruction est l’occasion de publications diverses pour les deux partis et peut posséder un écho en dehors des cercles directement intéressés par les polémiques religieuses – jusqu’à l’étranger. Se pose alors la question de la diffusion de ces textes et de la constitution de corpus d’archives sur lesquels se fondera la mémoire de l’abbaye grâce au travail effectué par Mlle de Théméricourt et Mlle de Joncoux notamment.

Programme

Jeudi 22 septembre 2011 : Port-royal des champs

Départ du car, place d’Italie, à 8h.15. Rendez-vous devant la mairie du XIIIe ardt

9h 30 : ACCUEIL

10h : Ouverture : Sylvio De Franceschi et Rémi Mathis

La marche à la destruction

10h 15 : Simon Icard

« Sœurs ennemies ? Port-Royal des Champs et Port-Royal de Paris (1665-1713) »

10h 45 : Agnès Ravel

« Le rôle des divisions des dévots de la cour de France dans la marche à la destruction de Port-Royal (1679-1713) »

Pause

11h 30 : André Blanc

« Mme de Maintenon, le cardinal de Noailles et Port-Royal »

12h : Philippe Moulis

« Réseau et clientèle d’un prélat janséniste : Pierre de Langle, évêque de Boulogne-sur-Mer (1698-1724) »

12h 30 : Discussion – Déjeuner pris en commun (s’inscrire)

14h 30 : Thierry Issartel

« Hardouin de Péréfixe »

15h : Rémi Mathis

« Antoine Arnauld, Louis XIV et Pomponne : un impossible retour ? »

L’abbaye martyre

15h 30 : Daniella Kostroun

« La Mère Louise-Anastasie Dumesnil et Mlle de Joncoux »

16h : Christine Gouzi

« Iconographie d’une destruction »

Discussion

17h : Fin des travaux de la première journée – Retour en car à Paris, place d’Italie.

(Place d’Italie, Paris XIIIème, métro lignes 5, 6 et 7, bus 27, 47, 57, 64, 67, 83.)

VENDREDI 23 SEPTEMBRE : PARIS (Abbaye Saint-Germain)

9h : ACCUEIL 5, rue de l’Abbaye, Paris VIème

9h 15 : Jean Mesnard

« Le dépôt des originaux des Pensées de Pascal à Saint-Germain des Prés »

L’abbaye martyre (suite et fin)

10h : Michèle Bretz

« Les Gémissements de l’abbé d’Étemare, ou la destruction de la nouvelle Jérusalem : la naissance du culte de Port-Royal »

10h 30 : Sofiane Bouhdiba

« L’exhumation des dépouilles des religieuses de Port-Royal : histoire et représentation »

11h : Discussion – Pause

L’impossible orthodoxie
11h 30 : Laurence Devillairs
« Le plaisir en théologie : Port-Royal et ses adversaires dans la postérité »

12h : J.-P. Gay
« Stratégies polémiques et champ doctrinal. La querelle du péché philosophique et les lignes de fracture d’un catholicisme fin de siècle »

12h 30 : Discussion – Déjeuner libre

14h 30 : Jean-Robert Armogathe
« Arnauld et Steyaert »

15h : Sylvio De Franceschi
« Thomisme et jansénisme. À propos du Traité de l’action de Dieu (1713) de François-Laurent Boursier »

15h 30 : Thomas Guillemin « Le destin des manuscrits catholiques d’Isaac Papin après sa mort : mystère et convoitise autour de la dépouille intellectuelle d’un sympathisant janséniste »

16h : Discussion – Pause

16h 30 : CONCLUSIONS

17h : Fin des travaux