Agnès Cousson

Compte-rendu : Hélène Raveau, Les Choses d’en-haut

Hélène Raveau, Les Choses d’en haut, Paris, Éditions Salvator, préface de Gérard Ferreyrolles, 2015, 101 pages, 13,90 euros.

Haut lieu de spiritualité au XVIIe siècle, le monastère de Port-Royal n’a jamais laissé indifférent, qu’il irrite ou qu’il fascine. Sa mémoire, à la survie de laquelle les religieuses de la communauté ont largement œuvré par leurs nombreux écrits, est bien vivante aujourd’hui. En témoignent les recherches universitaires, qui manifestent depuis plusieurs années un regain d’intérêt pour l’histoire du monastère persécuté, et finalement détruit par Louis XIV au début du XVIIIe siècle. Port-Royal inspire aussi des écrivains. Tel est le cas d’Hélène Raveau, qui signe là son premier roman.

Le terme « roman » choisi par l’éditeur convient mal. Les Choses d’en haut sont plutôt un vaste poème en prose, narratif et épique, qui mêle deux temporalités, le XVIIe siècle et l’époque contemporaine, autour des différents thèmes : la mémoire (qu’est-ce qu’un musée ?), l’esprit de résistance, la foi, mais aussi la laïcité. L’écriture fragmentée fait écho à celle des Pensées de Pascal, largement présent. L’ouvrage d’Hélène Raveau interpelle le lecteur par des formules qui frappent par leur violence, et qui rappellent celle exercée à l’encontre du « vallon ravagé » (« même les nuages étaient piétinés »), ce cloître devenu « cimetière », ou, au contraire, par des formules qui introduisent de la douceur et portent à la rêverie (la rose cueillie par Robert Arnauld d’Andilly…). Le texte reproduit en ce sens les sentiments ambivalents du promeneur dans la vallée de Chevreuse, où demeurent les ruines du monastère, partagé entre l’admiration et l’effroi.

Cette prose poétique invite également à la réflexion et à la méditation. Hélène Raveau interroge le rapport à soi et à l’autre à travers l’histoire des moniales persécutées pour avoir bravé l’autorité de la monarchie absolue par leur refus de signer un Formulaire, au nom de leur conscience. Ses héroïnes (douze, comme les douze religieuses envoyées en captivité en 1664 par l’archevêque de Paris) s’inscrivent en héritières de la mère Angélique Arnauld, réformatrice de la communauté, et de sa nièce Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly, moniale brillante, cultivée, et résistante farouche. Dans les deux cas, des femmes intègres, en quête d’absolu.

Un lecteur familier de Port-Royal, et au fait de son histoire, sera à même d’apprécier pleinement ce texte à la gloire du monastère. Des références historiques, théologiques, littéraires, sont en effet nécessaires pour saisir la richesse des références qui parcourent l’œuvre. Le lecteur novice n’est pas oublié, grâce aux annexes que l’auteur a eu soin d’intégrer, aide précieuse pour accompagner une lecture-découverte, qui à son tour, suscitera peut-être l’envie de découvrir plus à fond l’histoire du monastère martyr.

Dans tous les cas, le texte touchera le lecteur, par son pouvoir émotionnel et par l’appel à la réflexion qu’il suscite sur les événements de notre temps, au miroir de l’histoire du monastère-phare du Grand Siècle et de ses « ombres radieuses », et sur les choses intemporelles, la foi, la retraite, la vie intérieure, bref, tout ce qui touche aux choses d’en haut.