Pascal, le cœur et la raison (dir. L. Susini)

Pascal, le cœur et la raison. Numéro spécial de la revue XVIIe siècle. Paris, Presses Universitaires de France, 2020, n°290

Ce numéro se fait l’écho d’une journée d’études organisée avec le soutien de la BNF et de la Société d’Étude du xviie siècle. Elle se tint en décembre 2016 dans le Petit auditorium du site François-Mitterrand, alors que l’admirable exposition montée par Jean-Marc Chatelain, Pascal. Le cœur et la raison, attirait entre les mêmes murs l’affluence qu’on sait.

« Le cœur et la raison » : le plus souvent comprise sur le mode de l’antithèse, l’alliance de ces deux termes nous apparaît convenue. On connaît la formule désormais éculée : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connait point ». Et cette formule, qui se cite, qui se répète, qui circule aussi facilement, peut-elle s’interroger encore ? L’intensité de sa circulation ne la dérobe-t-elle pas à la réflexion, voire à toute forme de perplexité ?

On sait que la distinction de la raison et du cœur au jour dans les Pensées ne s’est pas imposée d’emblée à Pascal. L’opuscule De l’art de persuader (v. 1655), travaillait l’opposition cartésienne de l’entendement et de la volonté. Ce plus tard que le Pascal des Pensées propose de faire dépendre l’exercice de la raison de la disposition d’un cœur désormais compris comme double instance et des principes de la connaissance et des principes de la volonté.

Loin que ce cœur ait cependant rien de déraisonnable, et que son opposition à la raison doive être absolument durcie. Chez Pascal, l’opposition entre cœur et raison n’est pas si franche qu’il ne semble. Les Pensées s’attachent plutôt à penser l’unité de ce qu’elles distinguent. Les ordres de l’esprit et du cœur se soutiennent réciproquement sans se contredire, elles refusent aussi d’envisager cette réciprocité en termes de complémentarité : le cœur n’est pas l’autre de la raison. Pascal invite à y reconnaître plus profondément un « régim[e] de rationalité ». De même qu’esprit de géométrie et esprit de finesse participent également de l’ordre de la raison, l’ordre du cœur n’est, à son tour, nullement exclusif de du premier – l’inverse n’étant d’ailleurs pas moins vrai. Alors même qu’il semble emblématiser le fonctionnement de la raison, l’esprit de géométrie n’en est pas moins présenté par Pascal comme « mettant en œuvre [cette] dimension du ‘sentir” » qui est l’apanage du cœur, en invitant dès lors à prendre acte d’une « infiltration par le sentiment » du domaine rationnel et à ne pas procéder trop vite à une mise en tension simpliste des facultés de la connaissance.

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